Trois journées, entre temps balèze et réchaud, nous ont bien conduits à
la vallée : vie d’Annan a tinté au pays des Vents Hardis. Mais sans nous
lâcher, ces bonds d’air toujours en mouvement sont éprouvants. En
spasmes clairs, ils charrient beaucoup d’effluves sur désert râpé. On
ressent la poudre, fine avec couleur de rouille** qui finit toujours par
tacher nos lattes. Ça siffle et on ne peut plus penser, ça ne s’arrête
jamais et toutes les voix sont couvertes dans les rues. Le Manuel du Rat
d’eau des Sables raconte que si le vent était parti, dans toutes les
villes d'Annan les fondations seraient fêlées.
En Annan, au début du printemps l’averse première a forgé l’annuel du
grand consensus. Dix ans, un rêve, les minots assez fous s’exposent au
rite basé entièrement sur des lois connectées au hasard. Au milieu d’un
sac de lin ils tirent un bout de candeur, sous forme de rune à datation
clamant le devenir du grand. Le sort, en cadeau, offrira aussi bien
l’appellation pour sa fonction future, le nom piqué de sa compagne ou de
l’ami en compagnon, les gosses à moucher en nombre que la date chopée
pour la mort sans recours. Certaines fatalités ne sont pas bouchées,
d’autres promises sans attrait, mais certains sorts sont damnés. Devant
n’importe quel loupé tous restent passifs, pas de voix pour condamner.
Souhaitant le dire nous avons fait part au vieux guide, pour botter :
c’est incroyable !
Voulant la paix, avec son dernier sourire :
- Subir les pires bourrasques peut flatter si l’on se sent grand devant
toute faute.
(Cités en badaud – Briquer Le Tellier - 2002 Berg)
* prononcez « âne-âne »
** celle-ci est dans le texte original ! ;-)
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