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Homélie pour Homme et Loup.

   
   
       Monsieur le Ministre,

       Avec cette lettre, je tiens à vous signifier mon indignation à propos d’un aspect insupportable de la vie : l’exclusion, avec tout ce qu’elle entraîne comme misère et désespoir. Comment dans notre société, des responsables, et de manière abusive, peuvent-ils léser et laisser sur le bord du chemin autant d’individus ?
       Bien que la période estivale semble peu propice à l’évocation de questions graves, pour une fois je n’ai pu résister. Voulant vous alerter je poursuis mon action. Et si là j’ai choisi cette forme affinée, avec ce calligramme en leçon détournée, c’est pour mieux justement capter votre attention. Je suis certain que vous y serez sensible. Tel est mon dessein.
 
CONJUGUE-RAISON

               Ah,
            âpre
          NON !
      Je misai
     Tu misas
 Il...misère
Nous misâmes
Vous misâtes
Elles...misère.
Ici le verbe étonne
plus, même quand le vers
bétonne moins. Être se conjugue
comment ? Trop difficile à conjurer ce
passé compliqué ?  Nous  demandons avoir. Impossible,
le temps n'existe . . . pas pour cette forme passive !
Retenez mieux la forme active,  celle qui participe
au présent. Un emploi intransitif ou transitoire ?
Contournons le problème : plaçons un
auxiliaire intransigeant !
Premier, deuxième ou troisième groupe ? Un groupe
inlassable, et même au présent vindicatif. Bien,
après le plus-qu'imparfait, observons mieux le
vrai futur intérieur : ils, elles auront
misère. Dans cette voie trop
nominale n'accordons pas
ce complément d'abject
indirect : troisième
personne singulière
mais si plurielle,
simplifions pour
tous les temps.
Et ainsi pour
connaître le
futur, nous
appelons à
régler cet
impératif
présent.
Donc le
cou-rs
finit
ici.
Non

!
 
       Monsieur le Ministre, en moi le mur sinistre – celui de « l’homme est un loup pour l’homme » - renvoie encore que « l’homme est un loup pour le loup ». Usant de ce courrier, je vous demande d’arrêter tout acharnement – et ici licite - sur cet animal, vital pour l’écosystème et qui lutte depuis si longtemps pour sauver son espèce.
       Concernant le sujet principal de cette lettre, toute la société comme moi-même, attend une réponse rapide et efficace de votre part afin de résoudre définitivement ce drame humain si récurrent.
       Persuadé que vous saurez voir et écouter, je vous prie de bien vouloir agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de ma très haute considération.

                      Patrice Besnard


 

Patrice Besnard / _d'après "Cri béant"_
Août  2004


 
Cette « Lettre au Ministre », est une lettre imaginaire, naïve (?) et presque surréaliste, adressée à un ministre imaginaire, mais traitant d’un sujet bien réel.
Ce texte a été envoyé aux « Correspondances de Manosque » dans le cadre d'un concours - sur le thème « Lettres de résistance » -, proposé conjointement durant l'été 2004 par la Fondation La Poste et Télérama. Et il n'a rien gagné du tout ! Évidemment il n'est sûrement pas assez bon, mais toutefois je pense qu'un texte avec contraintes (même légères comme ici) n'est pas forcément bien perçu par un jury qui attend une écriture plus conventionnelle. Sans parler des problèmes éventuels de mise en page, ou comme ici de la précision de composition d'un calligramme avec une police de caractères à chasse fixe, etc. C'est certainement entre autres, une des difficultés des textes à contraintes d'être publiés dans une revue non spécialisée dans ce domaine. L'originalité n'est pas toujours payante, qu'on se le dise ! Mais j'aurai au moins essayé.
 
Dans cette lettre, hormis le calligramme bien visible et son accumulation de calembours et d'à-peu-près, je me suis amusé à placer aussi cinq autres contraintes. Soit, dans l'ordre : une contrepèterie, un quatrain d'alexandrins rimés, une anagramme, un palindrome ainsi qu'une forme parfaitement indécelable d'autoréférence à cette notion de résistance.
Alors, comme d'habitude, saurez-vous trouver ces curiosités ?
 
 

 

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